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La décroissance, faux remède à la mauvaise croissance
«Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » ; « Il faut faire avec ce qu’on a » ; « Tu vis au-dessus de tes moyens ». La sagesse populaire regorge de maximes qui nous recommandent d’adapter nos objectifs à nos ressources. Ces temps-ci, la science économique prend le relais du bon sens individuel et l’adapte à l’avenir collectif de la planète. Les universités du monde entier bruissent de débats houleux sur les méfaits climatiques de la croissance éternelle et le bien-fondé d’un grand tête-à-queue écologique qu’ils appellent « décroissance ».
Dans ce numéro 50, nous avons cherché à comprendre si cette décroissance est possible, si elle est souhaitable, si elle se traduirait par moins d’emplois, moins de revenus, si les pays en développement la supporteraient, bref, nous avons voulu savoir si cette idée est une solution audacieuse ou une illusion dangereuse (p.18). En tout cas, le mot charrie de puissantes pulsions politiques (p.18),la plupart clairement anti-capitalistes. Ce qui n’empêche pas les entreprises de capter l’air du temps : la mode du « démarketing » (p.26) fait fureur.
Les excès de mauvaise croissance offrent, il est vrai, un spectacle parfois effrayant. En témoigne la crise politique profonde que traversent les Pays-Bas (p.28), maintenant qu’apparaissent clairement les ravages environnementaux causés par une agriculture saturée d’engrais azotés. On n’inverse pas facilement des décennies de productivisme et d’acharnement à devenir un poids lourd de l’agriculture européenne. Face à ce fiasco, on comprend l’envie folle de ralentir chez ceux à qui on a longtemps promis que la technologie ou la chimie résoudraient tous les problèmes.
Ceux qui défendent la croissance doivent donc savoir répondre à une question capitale : pourra-t-on découpler (p.20) cette croissance des quantités de carbone qu’elle envoie dans l’atmosphère ? Pour espérer y parvenir, nous devrons faire baisser à la fois l’intensité énergétique de l’économie et la teneur en carbone de son mix énergétique, comme nous l’enseigne l’identité de Kaya (p.22).
Il ne s’agit pas de jeter un sort à la croissance économique dans son ensemble, mais de la filtrer pour n’en garder que les flux tolérables par la planète. Au fil des siècles, par exemple, l’économie britannique a successivement brûlé du charbon, consommé des hydrocarbures et elle utilise aujourd’hui largement de l’éolien renouvelable, changeant à chaque étape la teneur de sa croissance. Car le montant du PIB, ce personnage central (et parfois honni) du débat, ne dit pas grand-chose sur la qualité de la production de richesse qu’il mesure. Alors, la décroissance est-elle un défaitisme (p.24) ? Pas forcément, mais il faudra inventer la décroissance sélective.
Bonne lecture.
Stéphane Marchand
Rédacteur en chef