Paiement
100% sécurisé
Tarif
adapté à votre profil
Sans
Engagement
Abonnement éligible
au crédit d’impôt
Plein-emploi, la cible et le mythe
En France, c’est comme ça depuis au moins 50 ans, depuis la fin des Trente Glorieuses. L’emploi est le marqueur absolu du succès économique. Et pour cause. Politiquement, c’est un des sujets les plus sensibles et les plus rentables. C’est lui qui fait et défait les majorités, obsède les candidats à l’Élysée et les fait trébucher sur des serments intenables ou des affirmations farfelues. François Mitterrand jurait que « dans la lutte contre le chômage, on a[vait] tout essayé », Nicolas Sarkozy s’engageait à « ramener à 5 % » le taux de chômage, remplacé à son tour par un François Hollande promettant d’« inverser la courbe du chômage » avant la fin de son mandat.
Sommes-nous libérés de la malédiction ? En 2023, on pourrait le croire, avec un chômage à 7 % semblant descendre vers la barre des 5 %, c’est-à-dire le mythique « plein-emploi », une formule séduisante, mais riche en malentendus. Pour l’Éco a mené l’enquête.
Impossible de nier que le chômage est au plus bas depuis 40 ans, même si tout le monde n’en bénéficie pas autant (p.32). Quant aux réformes récentes (p.20), elles ont porté leurs fruits. Mais tout cela est-il durable ? D’abord, la performance française reste médiocre par rapport aux meilleurs pays d’Europe. Ensuite, le « quoi qu’il en coûte » ultra-généreux pratiqué par le gouvernement pendant la pandémie de Covid a, plus qu’ailleurs, permis aux entreprises de recruter sans trop compter, un luxe qui aura une fin douloureuse.
Oui, le chômage a baissé, mais la productivité globale est en danger (p.22), car si les excellentes mesures en faveur de l’apprentissage ont dopé (au prix très fort) l’emploi des jeunes, les apprentis sont moins efficaces. Enfin, il faudra tôt ou tard se poser la question du maintien ou non des emplois aidés (p.26) dans le secteur non marchand, qui aident moins les jeunes qu’on ne le pense.
C’est l’occasion de rappeler que le plein-emploi n’est jamais un chômage zéro (p.24), à cause de l’inadéquation entre la demande et l’offre d’emploi. D’où un chômage frictionnel (p.20) qui n’atténue pas le malaise de ces dizaines de milliers d’entreprises cherchant désespérément à recruter (p.28).
Le rapport au chômage reste hautement anxiogène et la France est loin d’avoir atteint la sérénité du Danemark (p.30), un pays qui accompagne ses chômeurs de manière à la fois minutieuse et exigeante. On souhaite à la future France Travail (p.25) cette même discipline. Reste à savoir si le plein-emploi doit être apporté par l’État. Dominique Méda et William Beveridge pensent que oui, mais Alfred Sauvy et Milton Friedman se méfient (p.33). Après tout, la constitution de l’URSS garantissait le plein-emploi, ce qui n’a pas beaucoup profité au pays.
Bonne rentrée et bonne lecture.
Stéphane Marchand
Rédacteur en chef