Doper la fécondité ou aider la famille ?
753 000 (2019), 742 100 (2021), 723 000 (2022)… Même si elle affiche la plus forte fécondité d’Europe, la France voit baisser le nombre de ses naissances depuis 2014 et on commence à savoir pourquoi. Le coût de la vie augmente, se loger est plus difficile, les études sont plus longues, les femmes ne veulent plus sacrifier leur carrière et les couples vérifient plus méticuleusement que toutes les conditions sont réunies avant de se lancer. On croise même ces couples, minoritaires, qui ne veulent pas d’enfant (p.28) parce que l’avenir de la planète leur semble trop sombre et la charge mentale et matérielle de la parentalité trop lourde.
Dans ce n°57, Pour l’éco s’interroge : moins d’enfants, est-ce que cela veut dire que la famille va mal ? Non, elle se porte plutôt bien, merci, ont répondu la plupart de nos interlocuteurs. Par exemple, les mariages sont plus nombreux qu’on ne l’entend généralement (p.32) à durer au moins 30 ans. Pour la grande majorité des Français, la famille reste une zone de bienveillance, un premier cercle de sociabilité, de solidarité et de réconfort, restreint mais solide, au sein duquel les individus savent qu’ils peuvent compter les uns sur les autres.
Pour les statisticiens, moins poétiques, la famille, c’est un ensemble de personnes unies par un lien de parenté, qu’il soit de filiation ou d’alliance. Pour les sociologues, enfin, la famille n’est pas un « donné », mais un « construit ». C’est exactement ce que nous constatons. L’institution rigide et patriarcale traditionnelle a fait place à plusieurs formules : « traditionnelle », hors mariage, recomposée, monoparentale, homoparentale (p.20).
Sur ce dossier, l’État est à la manoeuvre. Sa politique familiale poursuit historiquement deux objectifs : contribuer au renouvellement des générations par des mesures de soutien à la natalité ; maintenir le niveau de vie des familles malgré les coûts engendrés par la naissance et l’éducation des enfants.
Sur le premier objectif, le débat est vif autour du bien-fondé du maintien des politiques natalistes (p.26). Est-ce une bonne utilisation des deniers publics ? Ne vaudrait-il pas mieux aider les familles plus tard, quand les enfants abordent leur parcours scolaire, bref aider la jeunesse ? Autrement dit, au lieu de financer de nouvelles familles, ne serait-ce pas une bonne idée d’investir dans toutes celles qui sont déjà là et ne possèdent pas les ressources pour atteindre leur potentiel ? Sur le second objectif, l’État a beau aider toutes les familles (p.22-23) plus généreusement qu’ailleurs, le pouvoir d’achat se révèle une angoisse croissante. La famille, entité bien plus rationnelle qu’on ne l’imagine (p.24), fait et refait ses calculs (p.22) avant de s’agrandir.
Attention, également, à ne pas mettre la famille sous trop forte pression. La Corée du Sud traverse à cet égard une vraie crise. L’ambition scolaire, portée à son paroxysme dans un climat de dénatalité rapide, a fini par empoisonner (p.30) le climat entre les parents et leurs enfants. Quand la famille craque, la société est en danger.
Bonne lecture.
Stéphane Marchand
Rédacteur en chef